samedi 14 mai 2011

Des fleurs pour un dernier billet




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Roses, jasmins, iris, lilas, volubilis,
Cerisiers du japon et jeunes arbousiers,
Colorant le matin de leurs chants printaniers,
Adornent mon jardin de vivants ex libris.

Abeilles et frelons s'y disputent les lys,
Piétinent les pistils sans aucune pitié,
Alors que s'échappant des pages d'un herbier,
Un papillon de nuit dévore un myosotis.

Solitaire et pensif un arôme somnole
Sous le dais argenté d'un antique olivier,
Dont l'ombre de satin imite l'acropole.

Dans mon jardin aussi, le soleil a planté
Une pure fontaine, comme un encrier,
Où je plonge ma plume et bois l'éternité.

Francis Etienne Sicard

dimanche 1 mai 2011

Les reines du jardin


Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'aube de ses pleurs au point du jour l'arrose.

La grâce de sa feuille, et l'amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur :
Mais battue, ou de pluie, ou d'excessive ardeur,
Languissante, elle meurt feuille à feuille déclose.

Pierre de Ronsard (1524 - 1585)

lundi 25 avril 2011

Cytise d'or






La pauvre fleur disait au papillon céleste :
Ne fuis pas !...
Vois comme nos destins sont différents, je reste .
Tu t'en vas !

Pourtant nous nous aimons, nous vivons sans les hommes,
Et loin d'eux !
Et nous nous ressemblons et l'on dit que nous sommes
Fleurs tous les deux !

Mais hélas l'air t'emporte et la terre m'enchaïne.
Sort cruel !
Je voudrais embaumer ton vol de mon haleine.
Dans le ciel.

Victor Hugo (1802 - 1885)

jeudi 21 avril 2011

Promenade champêtre








Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue,

Rêveur, j'en sentirai la fraicheur à mes pieds,

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.


Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,

Mais l'amour infini me montera dans l'âme,

Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la nature, heureux comme avec une femme.


Arthur Rimbaud (1854-1891)

lundi 11 avril 2011

Douceurs d'Avril

C'était en avril, un dimanche
Oui, un dimanche !
J'étais heureux...
Tu avais une robe blanche
Et deux gentils brins de pervenche,
Oui, de pervenche,
Dans les cheveux.

Nous étions assis sur la mousse,
Oui, sur la mousse,
Et sans parler,
Nous regardions l'herbe qui pousse,
La feuille verte et l'ombre douce,
Oui, l'ombre douce,
Et l'eau couler.

Un oiseau chantait sur la branche,
Oui, sur la branche,
Puis il s'est tu.
J'ai pris dans ma main, ta main blanche...
C'était en avril un dimanche,
Oui, un dimanche...
T'en souviens - tu ?

Edouard Pailleron (1834 - 1899)

jeudi 7 avril 2011

Cuisine d'autrefois











Aimez - vous le passé
Et rêver d'histoires
Évocatoires
Aux contours effacés ?

Les vieilles chambres
Veuves de pas
Qui sentent tout bas
L'iris et l'ambre.

Qu'elles vous soient chères,
Et vous parlent un peu
D'un coeur poussiéreux
Et plein de mystère.

Paul-Jean Toulet (1867 - 1920)

lundi 28 mars 2011

Tulipes



Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande;
Et telle est ma beauté, que l'avare flamand
Paye un de mes oignons plus cher qu'un diamant,
Si mes fonds sont bien purs, si je suis droite et grande.

Mon air est féodal, et comme une Yolande
Dans sa jupe aux longs plis étoffés amplement,
Je porte des blasons peints sur mon vêtement,
Gueules fascé d'argent, or avec pourpre et bande.

Le jardinier divin a filé de ses doigts
Les rayons du soleil et la pourpre des rois
Pour me faire une robe à trame douce et fine.

Nulle fleur du jardin n'égale ma splendeur,
Mais la nature, hélas ! n'a pas versé d'odeur
Dans mon calice fait comme un vase de Chine.

Théophile Gautier (1811 - 1872)